Parrainage : le devoir de démocratie
Le parrainage d’un candidat à l’élection présidentielle est de la responsabilité personnelle du maire comme d’autres grands électeurs (députés, sénateurs, présidents de communauté de communes, …). Responsabilité personnelle veut dire, non seulement qu’il n’a à en référer à personne, mais surtout que tout processus de désignation dans lequel la décision serait déléguée (vote du conseil municipal, vote ou sondage de la population du village, …) est anticonstitutionnel.
Ce système de parrainage a été mis en place dès la constitution de la Vème république pour éviter les candidatures loufoques ou trop peu représentatives. Ce parrainage qui n’est pas un vote n’est pas un soutien à un candidat même si le régime des partis pourrait le laisser penser. L’anonymat permettait de passer outre les consignes de partis pour les « encartés » et permettait à toute l’armée silencieuse des maires sans étiquette de faire jouer pleinement l’esprit de la constitution et la démocratie avec.
Depuis 2017, pour des raisons plus politiciennes que politiques, ce parrainage est devenu public et a perdu son anonymat. Une très grande majorité de maires de communes rurales est sans étiquette et j’en fais partie, réservant mes choix et orientations politiques nationales au secret de l’isoloir. Depuis mon premier mandat en 2014, je n’ai pas souvenir d’une seule discussion et décision du conseil municipal qui ait été prise au prisme d’une quelconque orientation politique. Seul l’intérêt général de Pressignac-Vicq importe et les couleurs politiques des membres du conseil ne m’intéresse pas et, j’ose espérer que la réciproque est vraie.
Comme dans l’inconscient collectif, ce parrainage peut être perçu comme soutien, l’immense majorité de ces maires sans étiquette refuse leur parrainage pour ne pas se mettre dans l’embarras. J’avoue que telle était mon intention, tant en 2017 qu’en 2022 ! j’ai reçu, physiquement ou téléphoniquement tous les représentants des différents candidats et leur ai tenu le même discours, à savoir que je ne donnerai pas de parrainage sauf si le manque de parrainage était une atteinte à la démocratie, parce qu’un courant de pensée important pour notre monde rural n’était pas représenté ou parce qu’un candidat (ou une candidate) recueillant un potentiel de plusieurs millions de voix (on peut fixer le minimum à 10%, voire à 5% des intentions de vote dans les sondages) ne pouvait se présenter donnant à ses potentiels électeurs le sentiment de déni de démocratie. Il va de soi que cette exception ne se décide que dans la dernière semaine de dépôt des candidatures et parrainages et c’est donc le discours que je leur ai tenu.
En 2017, dans les derniers jours, c’est Jean Lassale qui avait besoin de ces ultimes signatures et je lui ai donné ce parrainage.
Cette année, il n’a échappé à personne que durant tout le mois de février, 3 candidats crédités de plus de 10% dans les sondages n’arrivaient pas à avoir leurs parrainages, sans que l’on sache s’il s’agissait d’un discours victimaire ou d’une réalité, la lente montée de la déclaration du conseil constitutionnel laissant quand même penser à la deuxième hypothèse ! Comment laisser près de 40% du corps électoral sans représentant ? même 10% ? Quelles que soient les opinions que l‘on a pour M. Le Pen, JL. Mélenchon ou E. Zemmour, par quel argument donné au nom de la démocratie priverait-on un tel socle d’électeurs d’user de leur droit de vote sans que cela se retourne contre notre propre vision de la démocratie et sans que nous tombions dans une dictature de fait ? le risque serait grand, dans une société qui glisse petit à petit vers de plus en plus de violence, de déclencher un véritable séisme !
La fin février arrivait à grand pas, et les 3 n’avaient toujours pas leurs 500 signatures quand les associations d’élus et même le Premier Ministre nous imploraient, nous les maires, pour donner notre parrainage au nom de la démocratie ! A la fin de la dernière semaine de février, alors que Yannick Jadot (615), Jean Lassalle (579) ou Fabien Roussel (593) avaient passé la barre des 500 signatures quelques jours plus tôt, Jean-Luc Mélenchon obtenait enfin ses 500 (à 540) et ne restaient plus que Marine Le Pen à 414 et Eric Zemmour à 415. A l’aube de la dernière semaine décisive, conformément à mon engagement et au nom de la démocratie, j’avais le choix entre ces 2 candidats et j’ai donc pris la décision d’envoyer un parrainage à celui qui me semblait avoir le plus de difficultés à les obtenir, en l’occurrence Monsieur Zemmour.
J’avoue que l’enveloppe fermée, le plus dur restait à faire et que j’ai encore hésité … il eut été certes plus facile de ne rien faire mais je me suis rappelé cette citation attribuée à Voltaire « Je ne partage pas vos idées mais je me battrai jusqu’à la mort pour que vous puissiez les exprimer » qui me paraît la meilleure illustration de ce que représente la démocratie.
J’assume donc fièrement (parce que ce qu’il en coûte n’est pas anecdotique) et complètement cet engagement démocratique que j’aurais tout autant assumé pour Mme Le Pen, M Mélenchon ou M. Jadot, pour ne prendre que ceux dépassant la barre des 5% dans les sondages et dont l’obtention des 500 parrainages n’a pas été une sinécure.
Avec tout mon engagement pour notre village,
Benoît Bourla